Manoir du Roual (Lannilis)
 
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Coordonnées géographiques :  48°33'26.75"N    4°31'51.02"W
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Cartes postales anciennes (collection Jo Cariou) :
 
 
Historique (texte d'Yves NICOLAS dans l' "Echo de Lannilis" n°57 de juillet 1957) :
Sur le versant Sud de la colline où se trouve juchée Lannilis, dominant le cours paisible de l'Aber Benoît, le Manoir du Roual (...) dresse dans les grands arbres sa carrure massive.
Il ne présente rien de remarquable au point de vue architectural. La partie centrale la plus ancienne ne remonte qu'à la moitié du XVIIIe siècle. Par un acte du 29 Mai 1748 passé devant Me Jacolot, notaire à Lannilis, le Marquis de Ploeuc, propriétaire du Roual, vendait une ferme à Plouguerneau (Thévézan Vihan) pour 2.000 livres qui devaient servir à la reconstruction de son Manoir. Mais antérieurement au manoir actuel, un autre fort antique a eu ses heures de célébrité et nous allons dresser ici un tableau succinct des personnages qui, au cours des siècles, se sont succédé à la tête de cette noble maison.
 
La famille qui y habitait au début du XVe siècle portait le nom même du Manoir : Roual. Mais dès 1460 Nicolas Gourio en est propriétaire et pendant deux siècles cette famille Gourio (toujours existante en 1957 et représentée en Belgique par les Gourio du Refuge) résidera au Roual. D'après l'arrêt du 11 Juillet 1669, de la Chambre de la Réformation de Bretagne, c'était une famille noble d'ancienne ancessorie et sans nulle roture. Ses armes étaient : Ecartelées aux 1 et 4 de gueules à deux bâches d'armes ou consulaires adossées d'argent au chef d'or, aux 2 et 3 d'argent à trois chevrons d'azur. Sa devise: "Dieu me tue ", ce qui veut dire: "Que Dieu me protège" (le vieux verbe français disparu " tuer " venait du latin " tuer! " = protéger). Le Manoir relevait noblement et directement du Duc de Bretagne puis, après l'annexion, du Roi de France ainsi qu'il résulte d'un acte passé le 12 Mai 1556 devant Mes Audren de Kerdrel et Touronce, notaires à Lannilis. Il serait trop long d'énumérer ici tous les seigneurs de cette famille qui habitèrent le Roual. Citons seulement Christophe 1er Gourio, qui fit des échanges de terrains les 5 Décembre 1492 et 28 Septembre 1503 avec le Prieur et les religieux Bénédictins de Lothunou et qui était en 1530 gouverneur de l'importante Chapelle Notre-Dame de Trobérou, Louis Gourio, son fils, qui fut nommé le 30 Août 1548, gouverneur du Château du Taureau à Morlaix, Christophe II Gourio, son petit-fils, qui épousa Jeanne Guinhamon, dont il eut un fils, François, né au Roual le 16 Octobre 1567. L'acte de baptême de ce dernier, rédigé en latin, qui se trouve à la mairie, indique que le parrain fut François Simon de Tromenec, en Landéda, dont le fils devait prendre part en 1600 à un fameux duel contre le Seigneur de Carman.
 
Le 14 Décembre 1663, devant Maîtres Gohier et Bretin, notaires à Nantes, Jeanne Gourio épousait par contrat Messire Charles de Lys, seigneur de Beaucé, à qui elle apportait en dot le Manoir du Roual. Une de leurs filles, Marie-Ursule de Lys épousa le 26 Décembre 1688, Messire Alexis Le Meignant, Comte de Kermoel. Devenue veuve, la Comtesse de Kermoal vendit le 8 Avril 1715 en l'étude de Me Jamon, notaire à Rennes, le Manoir du Roual et toutes ses dépendances au Lieutenant de Vaisseau Pierre Betbeder, sieur de Bordenave. Le manoir allait ensuite passer à l'une des soeurs de ce dernier, épouse du sieur Goubert, dont la fille Marie Guionne épousa le Marquis de Ploeuc, qui avait 27 ans de plus qu'elle (Vincent de Ploeuc, seigneur de Kerharo en Cléden-Cap-Sizun). Celui-ci, chevalier de St-Louis et Capitaine de Vaisseau, vint habiter le Roual où il mourut à 78 ans, le 15 Septembre 1753. Ses obsèques furent présidées par M. l'abbé de Chambellan, Vicaire Général de Léon. Sa veuve alla habiter son hôtel particulier à Brest, paroisse St-Louis, où elle mourut le 29 août 1762. Deux jours plus tard, elle était enterrée en son enfeu en l'Eglise de Lannilis. Ce fut la dernière personne à être inhumée dans notre Eglise, le Parlement de Bretagne ayant interdit à cette époque d'enterrer qui que ce soit dans les Eglises.

Le Manoir du Roual passe alors au neveu des Ploeuc, le Marquis de la Jaille dont l'existence mouvementée mériterait à elle seule tout un volume. Nous espérons pouvoir raconter un jour la vie de ce brillant officier de Marine, très riche. Outre le Roual et toutes les fermes qui en dépendaient, il possédait en effet le manoir de Kérasquer en Lannilis, de nombreuses terres en Cornouailles, dans le Poitou et même à St-Domingue. Il avait épousé l'une des plus belles filles de la noblesse bretonne: Marie-Vincente de Kerguiziau de Kervasdoue, qui fut appelée et reçue à la Cour par la Reine-Marie-Antoinette. Après avoir participé à 8 combats navals contre les Anglais et à maintes missions périlleuses, le Marquis de la Jaille faillit se faire massacrer par la populace à Brest le 27 Novembre 1791. Après avoir subi les pires violences, il fut sauvé par un homme courageux, M. Lauverjat, charcutier d'une force et d'une stature athlétiques, qui réussit à le faire sortir de la ville. Rentré au Roual, il s'empressa d'émigrer avec sa femme et ses enfants.
 
Saisi comme bien national, le Roual fut vendu pour 90.600 livres le 13 Vendémiaire an 3 à un distillateur de Brest, Jean-Baptiste Roulet qui acquit également le moulin et la métairie de Trousarc'hant pour 443.000 livres.. Le .28 Juillet 1831, en l'étude de Me Floch, notaire à Brest, Mme Vve Roulet revendait le Roual à M. et Mme Riverieulx qui à leur tour le cédaient pour 80.000 livres le 28 Juin 1834, par l'office de Me Mével, notaire à St-Renan, à Mlle Reine de Kerguiziau de Kervasdoue, nièce du Marquis de la Jaille, le spolié de 1795. Celle-ci habita de longues années le Roual mais mourut au Châ-teau de la Haye, en St-Divy, le 20 Mars 1858. Le 21 Juin suivant, son frère et héritier, M. Le Conte de Kervasdoué, vendait en l'étude -de Me Rolland, notaire à Lannilis, le Roual et ses dépendances à Madame Elisabeth-Louise-Denise Bersolle, épouse de M. Louis Halligon et à M. Ernest Halligon pour la somme de 113.627 francs.
Le dernier acte de l'histoire du Roual se passait le 26 Juillet 1882 , en la chapelle du Roual, où Mlle Jeanne Halligon, fille de M. Louis Halligon, épousait M. Paul Audren de Kerdrel. De ce mariage devait naître Mlle Jeanne de Kerdrel, propriétaire actuelle du Roual, à qui nous renouvelons ici notre vive gratitude pour son extrême bienveillance à nous ouvrir si largement ses archives.
P.-S.- Certains se sont étonnés que nous ayions donné le chiffre de 443.000 livres comme prix de vente de la ferme de Trousarc'hant et des 2 moulins en dépendant en l'an III. Les Archives du Roual sont formels sur ce point et il n'y a d'ailleurs pas lieu de s'en étonner, l'émission des fameux assignats ayant amené à cette époque une dévaluation considérable de la livre française.